‘’L’heure était enfin arrivée. À l’aube, le 6 juin 1944. Le vent soufflait fort, comme aujourd’hui. Il a toujours soufflé fort sur ces falaises.
Deux cent vingt-cinq Rangers américains sont arrivés par bateau. Ils ont sauté dans les vagues et déferlé sur la plage. Ils pouvaient voir – tout ce qu’ils pouvaient voir, c’était le contour du rivage et l’énormité de ces falaises. J’aimerais regarder, mais je sais que j’aurai des ennuis avec les agents du Secret Service si je m’approche du bord et que je me penche (rires) mais pensez à ces falaises, comme mon hôte vient me montrer. C’est sur ces falaises que nous nous tenons.
Ils entendaient – tout ce qu’ils entendaient, c’était le claquement des balles contre les navires, contre le sable, contre les rochers, contre tout. Tout ce qu’ils savaient, c’était que le temps était compté.
Ils avaient 30 minutes seulement, 30 minutes pour éliminer les mitrailleuses des nazis, au sommet de cette falaise. Des armes qui pouvaient stopper l’invasion alliée avant même qu’elle ne commence. Mais c’était des Rangers américains. Et ils étaient préparés.
Ils ont couru vers les falaises et vers les mines plantées sur la plage par le maréchal Rommel, et qui explosaient autour d’eux, mais ils ont continué d’avancer.
Une pluie de tirs s’abattait sur eux. Mais ils ont continué d’avancer.
Les grenades lancées au-dessus d’eux par les nazis explosaient contre les parois de la falaise. Ils ont continué d’avancer quand même.
En l’espace de quelques minutes, ils sont arrivés au pied de la falaise. Ils ont lancé leurs échelles, les cordes, les grappins. Et ils ont commencé à grimper.
Quand les nazis coupaient leurs échelles, les Rangers utilisaient les cordes. Quand les nazis coupaient les cordes, les Rangers continuaient à la main. Et centimètre par centimètre, pied par pied, mètre par mètre, les Rangers se sont se hissés, péniblement, jusqu’en haut de ce précipice imposant.
Ils ont ouvert une brèche dans le mur de l’Atlantique d’Hitler. Par cette seule action, ils ont inversé le cours de la guerre. Ils ont commencé à sauver le monde.
Mesdames et Messieurs, hier, je me suis recueilli au cimetière américain à quelques kilomètres de là. C’est là que sont enterrés beaucoup de ceux qui sont morts en prenant cette falaise. J’ai parlé de ce que ceux qui sont tombés ont fait pour défendre la liberté.
Aujourd’hui, lorsque nous regardons ce champ de bataille, et tous les bunkers et les cratères creusés par les bombes aux alentours, on ne peut pas s’empêcher de se dire : Mon Dieu. Mon Dieu. Comment ont-ils fait ? Comment ces Américains étaient-ils prêts à tout risquer ? Tout oser ? Tout donner ?
Il y avait des Américains comme le sergent Leonard — le sergent Leonard Lomell, de New York. Il était parmi les premiers Rangers à sauter de son bateau et à courrir vers la falaise. Une balle l’a effleuré juste au-dessus de la hanche. Il n’était pas sûr, mais il était effectivement blessé. Il a continué d’avancer.
À un moment donné, alors qu’il escaladait la falaise, un autre Ranger a crié : « Je ne suis pas sûr d’y arriver. » Et Lomell lui a répondu, avec toute la force qu’il avait en lui : « Il faut que tu tiennes le coup. » Et il a tenu le coup, ils ont tenu le coup tous les deux.
Des Américains comme le sergent Tom Ruggiero, du Massachusetts. Un obus allemand a touché son bateau alors qu’il s’approchait du rivage. Tout a explosé. Le sergent a été projeté dans l’eau glacée. Il dit qu’il s’est mis à prier : « Seigneur, fais que je ne me noie pas. Je veux y arriver et faire ce que je suis censé accomplir ici. »
Des Américains comme le colonel James Rudder, du Texas. Quand l’armée a demandé un bataillon pour cette mission risquée, il a levé la main et dit : « Mes Rangers peuvent le faire. » Il connaissait leurs capacités. Il connaissait leur force de caractère.
Quelques jours après l’escalade de cette falaise, il a écrit une lettre de condoléances à la mère de l’un des Rangers qui a donné sa vie ici. Cette lettre disait : « Un pays doit être grand pour demander le sacrifice d’un tel homme. » Un pays doit être grand pour demander le sacrifice d’un tel homme.
Et des Américains comme John Wardell, du New Jersey. John est ici, John. On vous aime. Merci pour tout ce que vous avez fait. (Applaudissements) Vous méritez ça, et bien plus encore, John.
Il n’avait que 18 ans. Il a été déployé pour prendre cette falaise pour remplacer les Rangers qui avaient survécu au Débarquement. Il a ensuite combattu à travers la France et l’Allemagne. Au début du mois de décembre 1944, au cours de l’une de ces batailles, un éclat d’obus lui a transpercé le crâne. À Noël, il a repris le combat avec son unité.
Voici ce qu’il a dit, dans les notes qu’il rédigeait à l’époque. Il a dit : « Mes camarades et moi, on a toujours veillé les uns sur les autres. C’est pour ça que je suis revenu. » C’est pour cela qu’il s’est tant battu pour revenir. Il a toujours veillé sur ses camarades, et ses camarades ont toujours veillé les uns sur les autres.
Lorsque nous parlons de la démocratie – de la démocratie américaine – nous évoquons souvent de grandes idées telles que la vie, la liberté et la poursuite du bonheur. Ce dont nous ne parlons pas assez, c’est de la difficulté de la chose. Combien de fois nous demande-t-on de laisser tomber ? Combien de fois notre instinct nous pousse-t-il à laisser tomber ? L’instinct le plus naturel est de laisser tomber. D’être égoïste. D’imposer notre volonté aux autres. De s’emparer du pouvoir et de ne jamais y renoncer.
La démocratie américaine exige l’une des choses les plus difficiles : de croire qu’il existe quelque chose de plus grand que soi. La démocratie commence avec chacun de nous.
Elle commence quand on décide que certaines choses ont plus d’importance que soi ; quand on décide que celui qui sert à ses côtés vaut le coup qu’on prenne soin de lui ; quand on décide que la mission est plus importante que sa vie à soi ; quand on décide que le pays compte plus que soi. C’est ce que les Rangers ont fait à la Pointe du Hoc. C’est ce qu’ils ont décidé. C’est ce qu’ont décidé tous les soldats, tous les Marines qui ont déferlé sur ces plages.
Un dictateur redouté qui avait conquis le continent était enfin confronté à un adversaire de poids. Grâce à cela, la guerre a basculé.
Ils ont résisté à l’agression d’Hitler.
Peut-on douter qu’ils voudraient aujourd’hui que l’Amérique s’oppose à l’agression de Poutine, ici en Europe ? Ils déferleraient sur les plages aux côtés de nos Alliés.
Est-ce que vous croyez que ces Rangers voudraient se battre seuls aujourd’hui ?
Ils se sont battus pour vaincre une idéologie haineuse dans les années 1930 et 1940. Y a-t-il l’ombre d’un doute qu’ils ne remueraient pas ciel et terre pour vaincre les idéologies haineuses d’aujourd’hui ?
Ces Rangers ont placé leur mission et leur pays avant eux-mêmes. Pensez-vous qu’aujourd’hui, ils n’en demanderaient pas moins de la part de chaque Américain ?
Ces Rangers qui se souviennent avec révérence de ceux qui se sont sacrifiés au combat. Est-ce qu’ils pouvaient, eux ou qui que ce soit d’autre, s’imaginer que l’Amérique n’en ferait pas de même ? Ils étaient convaincus que l’Amérique était un modèle pour le monde. Je suis sûr que, pour eux, il en serait toujours ainsi.
Vous savez, l’endroit où nous nous trouvons aujourd’hui n’était pas une terre sacrée le 5 juin. Mais le 6 juin, il l’est devenu.
Les Rangers qui ont escaladé cette falaise ne savaient pas qu’ils allaient changer le monde. Mais c’est ce qu’ils ont fait.
Je le répète depuis longtemps : l’histoire nous montre que des Américains ordinaires peuvent accomplir des choses extraordinaires lorsqu’ils sont mis au défi. Il n’en existe pas de meilleure illustration au monde qu’ici même, à la Pointe du Hoc.
Des Rangers partis de leur ferme ou de leur ville, venus des quatre coins de l’Amérique, de familles qui n’étaient ni riches ni puissantes, ils ont atteint des rivages qu’aucun d’eux n’aurait su pointer sur une carte.
Ils sont arrivés dans un pays que beaucoup n’avaient jamais vu, pour un peuple qu’ils n’avaient jamais rencontré. Mais ils sont venus quand même. Ils ont fait ce qu’ils avaient à faire. Ils ont rempli leur mission. Et ils ont fait leur devoir.
Ils agissaient au nom de quelque chose de plus grand qu’eux. Ils étaient Américains.
Aujourd’hui, je suis le premier président à venir à la Pointe du Hoc sans qu’aucun des 225 hommes courageux qui ont escaladé cette falaise lors du Débarquement ne soit encore en vie. Aucun.
Mais je suis ici pour vous dire que le vent que nous entendons de l’autre côté de l’océan ne faiblira pas. Il s’amplifiera.
Si nous sommes réunis en ce lieu aujourd’hui, ce n’est pas seulement pour rendre hommage à ceux qui ont fait preuve d’une bravoure remarquable ce jour-là, le 6 juin 1944. C’est pour écouter l’écho de leurs voix, pour les entendre, parce qu’ils nous convoquent.
Ils nous demandent ce que nous ferons.
Ils ne nous demandent pas d’escalader ces falaises. Mais ils nous demandent de rester fidèles à ce que l’Amérique représente.
Ils ne nous demandent pas de donner ou de risquer notre vie, mais ils nous demandent de nous soucier des autres, dans notre pays, plus que de nous-mêmes.
Ils ne nous demandent pas de faire leur travail ; ils nous demandent de faire le nôtre : de protéger la liberté à notre époque, de défendre la démocratie, de s’opposer à toute agression à l’étranger et chez nous, d’agir au nom de quelque chose de plus grand que nous.
Mes chers compatriotes, je refuse de croire, je refuse catégoriquement de croire que la grandeur de l’Amérique appartient au passé.
Je reste convaincu que rien n’est au-delà de nos capacités en Amérique lorsque nous agissons ensemble.
Nous sommes les chanceux héritiers du legs laissé par ces héros, ceux qui ont escaladé les falaises de la Pointe du Hoc. Nous devons aussi être les gardiens de leur mission, les gardiens de leur mission, les porteurs de la flamme de la liberté qu’ils ont maintenue allumée. C’est le meilleur hommage qu’on puisse leur rendre. Par nos actes de tous les jours pour que notre démocratie perdure, pour que l’âme de notre nation perdure.
Venir ici pour se souvenir des fantômes de la Pointe du Hoc ne suffit pas. Nous devons aller à leur rencontre, les entendre, les écouter. Nous devons écouter leur appel. Nous devons faire la promesse solennelle de ne jamais les laisser tomber.
Que Dieu bénisse ceux qui sont tombés au combat.
Que Dieu bénisse les courageux hommes qui ont escaladé ces falaises. Que Dieu protège nos soldats. Que Dieu bénisse l’Amérique.’’